La collaboration interprofessionnelle : un levier essentiel pour transformer les soins buccodentaires

13 novembre 2024

Tous secteurs confondus, l’interdisciplinarité gagne à être implantée, non seulement au bénéfice des clients/patients, mais à celui de tous les acteurs impliqués, qui s’aideront mutuellement à devenir de meilleurs professionnels. En ces temps où les enjeux se complexifient, le partage de connaissances et d’expertises est plus que jamais gage de qualité et de succès. 

C’est particulièrement vrai dans le domaine de la santé buccodentaire pour améliorer la qualité des soins aux patients et ce concept a d’ailleurs été brillamment illustré lors de la conférence « Réhabilitations complètes implantaires : l’alternative télescopeek », présentée par M. Michaël Santos, prothésiste dentaire, et Dr Ahmed Rabiey, dentiste, dans le cadre de CéLABration 2024.

L’importance de la collaboration entre les technologues en prothèses et appareils dentaires (t.p.a.d.) et les professionnels prescripteurs, que ce soient les dentistes, les denturologistes ou les médecins, s’appuie sur le principe que tous partagent le même sens du devoir et de la responsabilité envers les patients.

 

Changer de paradigme : de l’ordonnance à la collaboration

Traditionnellement, les dentistes et denturologistes ont tendance à « donner une ordonnance à un laboratoire » plutôt qu’à « collaborer avec un t.p.a.d. ». Cette approche « prescripteur-fournisseur » peut malheureusement souvent conduire à une simple commande qui fait prévaloir la recherche de solutions rapides et peu coûteuses, au détriment de la qualité ou même de l’intérêt du patient.

Toutefois, la collaboration entre le t.p.a.d. et le professionnel prescripteur est une pratique que l’on gagnerait à retrouver au cœur de la triade prescripteur-technologue-patient, car elle permet d’augmenter la qualité de la conception de prothèses et appareils dentaires (et du traitement tout entier) au plus grand bénéfice des patients.

 

Les clés de la collaboration interprofessionnelle ou comment passer de la multidisciplinarité à l’interdisciplinarité

Le témoignage de M. Michaël Santos et Dr Ahmed Rabiey vient d’ailleurs nous aiguiller sur les éléments clés de cette interdisciplinarité et les facteurs de réussite d’un tel type de collaboration :

 

  1. Débuter la collaboration en amont 

    Le Dr Rabiey nous a rappelé que le succès d’une réhabilitation dentaire commence bien avant la phase de confection. Insatisfait de la relation « prescripteur-fournisseur » à laquelle il se butait dans certains laboratoires, il a cherché conseil auprès d’un expert prothésiste dentaire pour résoudre un cas complexe. C’est alors que sa rencontre avec Michaël Santos, qui exigeait des informations détaillées pour jouer ce rôle de conseiller, a marqué le début d’une collaboration fructueuse. En parlant le même langage et en partageant toutes les informations nécessaires, les meilleurs choix pour le patient ont pu être envisagés dès le début du plan de traitement.

    Le cas présenté par le Dr Rabiey concernait un patient âgé pour lequel il cherchait une solution adaptée et facile d’entretien, partant de la prémisse que les prothèses implanto-portées transvissées vieillissement mal*. C’est alors que M. Santos a plutôt proposé une prothèse implanto-retenue sur piliers télescopes, une solution plus facile à entretenir sur le plan prophylactique, durable et qui permet de prévenir des complications comme les péri-implantites.

     

  2. Rôle de l’expert-conseil
    Cet exemple démontre bien que les t.p.a.d. ont tout intérêt à se positionner en tant qu’experts-conseils plutôt que simples exécutants. D’ailleurs, le Code des professions définit justement que le t.p.a.d. a pour rôle de conseiller le dentiste, le denturologiste ou le médecin notamment sur les aspects techniques et non seulement de confectionner des appareils dentaires ou des prothèses dentaires. Or, pour y parvenir, il est important que le professionnel prescripteur s’adresse à la bonne personne, souvent la personne qui dirige le laboratoire, bref, qu’il trouve le t.p.a.d. qui agira comme personne-ressource auprès de lui.

     

  3. Investir en amont pour éviter les problèmes en aval
    Tout gestionnaire de projet vous le dira : une bonne collaboration nécessite du temps en amont, mais permet de gagner du temps en aval en évitant les erreurs et les retouches coûteuses. Cette collaboration doit évidemment être construire, il faut bâtir cette relation de confiance.

    Mais l’absence de collaboration peut conduire à des ordonnances incomplètes ou mal comprises, et en bout de ligne, des solutions de moindre qualité pour les patients. Ce cas de figure pourra se transformer en frustrations de part et d’autre : un patient irrité par des retouches ou un sentiment d’avoir été mal conseillé, un professionnel qui croit que la fabrication est problématique, un t.p.a.d. qui a le sentiment de ne pas avoir été mis à contribution…

    Rappelons-le : plus le t.p.a.d. peut aider le dentiste à analyser la problématique et la situation du patient, plus il pourra concevoir et confectionner une prothèse adaptée. Certes, la démarche pourra s’avérer plus longue, mais l’expertise du t.p.a.d. sollicitée par le dentiste, le denturologiste ou le médecin, peut contribuer, à travers une approche scientifique et médicale, à réellement accroître le mieux-être du patient sur le long terme.

     

  4. Communication et documentation
    Il va sans dire que ce point est intrinsèquement lié aux autres : une communication claire et une bonne tenue de dossier sont essentielles pour assurer aux parties prenantes que tous les aspects du plan ont été couverts. Il est d’autant plus facile aujourd’hui d’utiliser des moyens de communication modernes, comme la vidéoconférence et le partage de documents numériques pour faciliter l’échange d’informations. De plus, une bonne documentation aide à suivre l’évolution des cas et à garantir la qualité des soins, tout en assurant une traçabilité qui répond aux normes et standards actuels.

L’impact de la collaboration sur les soins aux patients

L’exemple de M. Michaël Santos, prothésiste dentaire et du Dr Ahmed Rabiey, dentiste, démontre que, lorsque les professionnels de la santé buccodentaire travaillent en étroite collaboration, ils peuvent surmonter des défis complexes et offrir des solutions innovantes. Leur approche multidisciplinaire permet de combiner leurs expertises respectives pour le bénéfice ultime des patients.

La clé du succès dans le domaine bucco-dentaire réside dans la collaboration interprofessionnelle. Les t.p.a.d. doivent être reconnus comme des partenaires à part entière, capables de prodiguer de précieux conseils et d’améliorer la qualité des traitements. Cette approche enrichit non seulement la pratique professionnelle, mais assure également des soins de qualité supérieure pour les patients.

 

Partagez vos témoignages en matière de collaboration interdisciplinaire

L’OTPADQ invite les professionnels à partager leurs expériences et à valoriser ces pratiques interdisciplinaires pour une santé dentaire holistique et efficace.

Faites parvenir vos témoignages à l’adresse secretariat@otpadq.com ou sur le groupe Facebook des membres. Partagez-nous comment la collaboration interdisciplinaire a amélioré vos pratiques et le bien-être de vos patients. L’Ordre se fera un plaisir de partager vos bons coups.

Ensemble, bâtissons une communauté professionnelle forte et engagée envers l’excellence en santé buccodentaire.


Stéphan Provencher, t.p.a.d.
Président

 

 

* De récentes études ont montré que près de 10 % des implants sont atteints de péri-implantites après 10 ans et concernent 20 % des patients (Monbelli 2012). L’absence d’accès à l’hygiène des restaurations implanto-portées est un facteur de risque reconnu de ces péri-implantites (Sérino 2009).